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Libération
Reportage

Disparues de l'Yonne, deuil à huis clos. Dossier Emile Louis

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Les familles des jeunes handicapées mentales tuées il y a vingt ans se retrouvent, après les aveux de l'ancien chauffeur Emile Louis.
publié le 13 juillet 2007 à 8h49

Paru le 18 décembre 2000

Au premier étage du bar-tabac le Rendez-Vous des pêcheurs, il y a un grand billard, recouvert d'un drap blanc. Comme un linceul. On dirait une veillée funèbre, avec une trentaine de personnes autour, yeux rougis et visages chiffonnés. C'était samedi après-midi, à quelques kilomètres du champ où gisent les restes de leurs soeurs, leurs amies. Ces sept jeunes filles, handicapées mentales, tuées voilà vingt ans par l'ancien chauffeur de car Emile Louis.

Dans ce bistrot de village, la buée colle aux vitres et la fatalité aux âmes ­ on s'en libère par les pleurs ou la colère. Les proches des disparues, qui se retrouvent pour la première fois depuis les aveux du «gus», jeudi, ont appris à se connaître. A combattre le sort qui en ferait d'éternelles victimes, parce qu'eux-mêmes, comme leurs parentes mortes, sont issus de milieux défavorisés, déchirés, pupilles de la Ddass et abonnés au malheur. Beaucoup, placés dans leur enfance, ont à peine connu ces soeurs disparues. La plupart d'entre eux, qu'ils soient magasinier, cuisinier, serveuse ou retraitée, n'ont pas énormément d'argent. Et ont l'habitude de se sentir «bossus», avec les épaules rentrées et la vie qui pèse des tonnes dessus.

Silences officiels. Un homme, à la carrure de colosse et aux mots doux, leur a permis de relever la tête. Depuis cinq ans, à la tête de l'association Adhy (Association de défense des handicapées de l'Yonne), Pierre Monnoir dénonce le scandale de