Pour rejoindre un électrosensible, il faut s'éloigner du monde. Se laisser conduire jusqu'à un rond-point au milieu de la nationale 83. Changer de véhicule, sauter dans un camion blindé d'aluminium «pour contrer les ondes de téléphonie mobile» selon sa conductrice, gant éponge humide plaqué sur le front. Ensuite, marcher le long de voies ferrées désaffectées à Aspach, village sommeillant entre Mulhouse et Colmar. Après 300 mètres, quelques arbres faméliques abritent une cabane de chantier trouée. C'est ici que vit Matthias Moser, une des victimes les plus rocambolesques de l'intolérance aux ondes.
Grand gaillard, chemise de bûcheron ouverte, ce quadra allemand a l'air tassé des hommes esquintés. Depuis quinze ans, il vit un calvaire dans le monde urbanisé. Car Matthias Moser ne peut pas dormir dans une maison raccordée au réseau électrique, ni rester à proximité d'antennes relais ou de lignes à haute tension. Autant dire qu'il est tricard sur 99 % du territoire français. Lui et ses compagnons d'infortune, les électrosensibles, souffrent de brûlures à l'oreille, de nausées, de migraines terrassantes, de faiblesse, d'angoisses. Matthias semble avoir écopé de la forme la plus extrême du syndrome, au point de ne pouvoir approcher un aspirateur en marche ou un sèche-cheveux. Ce funambule campe donc à la lisière de nos territoires quadrillés par des réseaux en tous genres (WiFi, wimax.). En Suède, pays où le syndrome de l'électrosensibilité est reconnu, ils seraient 300 00