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Libération
TRIBUNE

L’hôpital abandonné au privé

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par Christian Delage
publié le 17 mars 2009 à 6h53

Peut-on concevoir une loi «portant réforme de l'hôpital» (c'est son titre) qui, à aucun moment, jusque dans le plus petit recoin du texte, n'utilise ce beau mot d'hôpital ? Cette disparition fera date dans l'histoire, pourtant très encombrée, de l'écriture législative comme la Disparition de Georges Perec a marqué celle de la littérature. Elle n'est dans le cas présent ni anecdotique ni innocente. Les mots sont l'arme souterraine de la politique.

Ce qu’il s’agit de faire disparaître, il convient en premier lieu de ne pas le nommer. Dans l’esprit de tous les Français, l’hôpital représente la quintessence du service public. Il constitue, avec l’école, un des piliers de cette République. Hôpital n’ayant aucune déclinaison privée (au fronton de quelle clinique oserait-on écrire «hôpital privé» ?), on lui a trouvé un substitut «établissement de santé» qui n’a d’autre qualité que de pouvoir être indifféremment public ou privé.

Là est le nœud gordien de cette loi : dissoudre le service public hospitalier, perméabiliser les frontières entre public et privé «qui ne se définissent plus selon leur statut mais selon leurs missions» (sic). Voilà qui est oublier un peu vite une composante essentielle de ce statut. Si l'on y regarde de plus près, les deux secteurs ont en réalité le même financeur : l'assurance-maladie, c'est-à-dire les deniers publics. Le secteur privé n'est privé que pour ses profits, pas pour son coût, ce qui pourrait constituer une bonne et suffisante