Pierre-Henri Prélot est professeur de droit public à l'université de Cergy-Pontoise. Il réagit à la proposition d'André Gerin «tendant à la création d'une commission d'enquête sur la pratique du port de la burqa ou du niqab sur le territoire national». Cette commission parlementaire serait chargée de «définir des propositions afin de lutter contre ces méthodes qui constituent une atteinte aux libertés individuelles sur le territoire national».
Le gouvernement peut-il légalement interdire le port du voile intégral dans l’espace public ?
Il n’y a pas de législation en France sur le vêtement à part l’outrage à la pudeur. La loi sur les signes religieux se limite au cadre scolaire. Le seul précédent que l’on pourrait citer remonte à 1795, sous la convention, lors de la première séparation entre l’Eglise et l’Etat. La République ne reconnaissant plus la qualité de ministre du Culte, la loi a interdit aux prêtres de se promener dans l’espace public avec leurs habits. Ils devaient les réserver à l’intérieur. En l’espèce, il n’est pas sûr que la burqa ou le niqab soient de nature exclusivement religieuse.
Selon Guy Carcassonne, professeur de droit public à Paris-X, l’interdiction du voile intégral ne serait pas inconstitutionnelle si elle était justifiée par des «mesures d’ordre public», qu’en pensez-vous ?
L’Etat est comptable de l’ordre social et public. Depuis Napoléon, le code civil joue un rôle important en matière de garantie d’un certain nombre de valeurs morales qui sont les valeurs communes au groupe social, c’est en ce sens qu’il faut entendre aujourd’hui l’ordre public.
Pendant tout le XIXe siècle, l'ordre public recouvrait des valeurs d'ordre au sens strict. De nos jours, on fait rentrer dans l'ordre public des notions comme la dignité. Si