Ailleurs, on ne perdrait pas son temps à compter. A Vaulx-en-Velin, chaque fois qu’un élève intègre une classe préparatoire aux grandes écoles, ou décroche une mention, cela reste un petit miracle, soigneusement répertorié. Il participe au redressement de cette ville, dont l’image fut longtemps associée aux émeutes de 1990. Lorsqu’on lui dit que Vaulx-en-Velin a bien changé depuis, Gilbert Giraud sourit, comme un père content de ses rejetons. A 62 ans, l’homme a des manières de Méridional, un accent qui sent l’anchoïade et de grands gestes quand il parle en montrant souvent la paume de ses mains. Il profite de la douceur de l’arrière-pays varois, privilège de la retraite, bien loin de Vaulx-en-Velin. Pourtant, la ville lui manque.
Gilbert Giraud a quitté le 2 juillet Jean-Vilar, l’école qu’il dirigeait au cœur du Mas du Taureau, le quartier qui avait explosé en 1990. Il était arrivé à l’ouverture de l’école, en 1973, son premier poste d’instituteur sitôt son service militaire accompli. Et n’en est jamais reparti. Une vie professionnelle dans la même école de quartier, fenêtre idéale pour raconter quarante ans d’une ville de banlieue emblématique. Conçue en cité idéale, détruite par les premières émeutes imposées à la France, puis transformée en laboratoire, pour apprendre à refaire une ville.
«Je me suis attaché»
Quand Gilbert Giraud débarque, en août 1973, la cité n'est même pas terminée. Il y a encore des prés en friche, hérissés de grues, des tours et des barres qui viennent de pousser. Il faut