L'actuel débat sur la question de l'identité nationale exige pour la gauche de se demander à quelles conditions peut exister un amour de la nation totalement distinct du nationalisme.Une bonne partie de la réponse se trouve dans l'œuvre de Célestin Bouglé, et tout particulièrement dans deux de ses textes intitulés «Le Bilan du Nationalisme» et «L'Enseignement du patriotisme», reproduits dans Solidarisme et libéralisme, un ouvrage de 1904.
Le nationalisme, d'après Bouglé, est caractérisé par trois traits distinctifs, éclairés par «la défiance à l'égard des idées claires et distinctes, et une sorte d'horreur mystique de la raison» : l'instinct antisémite, la haine des principes de 1789 et le cléricalisme. Bouglé déteste profondément cette soumission aux instincts, caractéristique des passions nationalistes. Il la dénonce dans les rangs de ceux qui s'opposent aux partis réactionnaires, n'hésitant pas à stigmatiser les militants laïques qui seraient tentés d'imiter les méthodes liberticides de leurs ennemis :
«La raison d'être de notre Ligue [celle des Droits de l'Homme, ndlr], c'est d'opposer la rigidité des principes à cet entraînement des passions. Tandis que la devise des Ligues nationalistes est: "Abandonnez-vous à vos instincts", la nôtre est : "Défiez-vous de vos instincts ; dominez-les par la réflexion ; élevez-vous à la raison." C'est ainsi […] que nous accomplirons l'œuvre la plus difficile, mais aussi la plus utile, - œuvre profondément patriotique