Le risque de toute politique de prévention sanitaire est l’infantilisation de ceux auxquels elle s’adresse. Elle cède à sa facilité chaque fois qu’elle en appelle aux affects plutôt qu’à la raison ; ou encore lorsque, au travail d’information et d’éducation, elle mêle l’exploitation des émotions. La responsabilité des gouvernements, dans ce domaine, ne saurait être d’éveiller et d’alimenter la peur des citoyens. Sa mission est bien plutôt de contribuer à l’«habilitation singulière» de chaque individu : j’entends par là la capacité de chacun à introduire, dans le flux des émotions qui entourent la santé, un savoir susceptible de mettre celles-ci à distance. Dans le cas d’une pandémie, la clarté et la transparence qu’implique ce choix de l’éducation sont d’autant plus nécessaires que la politique qui la prend en charge pose d’inévitables questions et, faute de réponses, se prête à toutes les rumeurs.
La première question est celle de la diversion. Dans les démocraties occidentales, l'insécurité est devenue la raison d'être des gouvernements. Ils s'imaginent, sondages à l'appui, qu'ils seront d'autant plus populaires qu'ils parviendront à convaincre la population qu'ils mettent en œuvre tous les moyens nécessaires pour la protéger de ce qui la menace. En conséquence, ils choisissent les formes d'insécurité sur lesquelles il leur convient de concentrer l'attention des électeurs. Le soupçon de diversion alors est celui d'alimenter la peur de la pandémie pour faire passer