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Libération

Isabelle, de l’agrégation à l’agrafeuse

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publié le 14 décembre 2009 à 0h00

C'est une simple lettre parvenue au journal. Elle raconte un peu de l'existence de celle qui explique mener une «mission misérable». «Pointer, dégrafer, classer, agrafer, de 9 h 30 à 17 h 30. Depuis bientôt deux mois, cinq jours par semaine, je réalise un agrafage dont la qualité s'accroît à mesure que je gagne en expérience et un pointage à l'aide de croix dont la précision graphique a atteint, je peux le proclamer fièrement aujourd'hui, une perfection difficilement égalable.»

Elle s'appelle Isabelle (1), elle a 27 ans. Elle est «en voie de reconversion». On l'a déplacée de son poste d'enseignante parce qu'elle était fatiguée physiquement et nerveusement. Malade. Les ressources humaines de ce rectorat lui ont, dit-elle, promis un poste qui lui permettrait de mettre «en valeur ses compétences». Depuis, elle agrafe des dossiers d'entretiens professionnels qui s'empilent dans son bureau. «Plus ils s'amoncellent, plus j'ai l'impression d'être une forteresse», souligne Isabelle. L'agrafeuse est d'un beau gris métallisé. Dans son bureau, elle tourne le dos à une fenêtre qui donne sur un square et puis l'autoroute. Elle entend, à travers les vitres, un léger bourdonnement.

A l'heure du déjeuner, elle rentre chez elle car, explique-t-elle, aucun collègue du rectorat ne lui a proposé d'aller à la cantine. A son arrivée, elle s'est d'emblée «trouvée en milieu hostile» Peut-être qu'elle ne fait pas d'efforts, Isabelle. Peut-être en r