Ils ont pris le monde pour laboratoire et les humains pour cobayes : notre monde est celui qu’ils ont voulu. On lit, ici et là, que cette décennie fut celle de la peur. Peur du terrorisme, peur alimentaire, peur du réchauffement climatique, peur de la récession, bref, on incrimine le malheur des temps, le sort contraire, la fatalité. La vérité est plus politique et plus inquiétante. Pendant ces dix ans, notre sort a dépendu d’une poignée d’hommes. Cette décennie fut celle d’un groupe conscient, actif, déterminé, porté au pouvoir aux lieux décisifs, à la Maison-Blanche, à la City, dans les médias, dans les think tanks d’influence.
Cette décennie fut celle des conservateurs. Ils ont bâti le monde dont ils rêvaient : un monde pour les forts. Il y eut une courte décennie comme il y a eu un court XXe siècle, de la guerre de 1914 à la chute du mur en 1989. Cette petite décennie commence - empire américain oblige -, avec l'élection trichée de George Bush en 2000 et s'achève - peut-être - avec celle de Barack Obama en 2008. Entretemps, la politique conservatrice a fait rage. Sur le plan économique : baisse des impôts, recul de l'Etat, champ libre à la logique financière appuyée sur une nouvelle révolution technologique qui accroît la productivité, abolit les distances, multiplie les nouveaux produits et les nouveaux marchés, ouvrant au capitalisme triomphant d'autres dimensions de la vie humaine, culturelles, communicationnelles, symbolisées par ce téléphone mobile devenu