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TRIBUNE

Lycée : éco sans socio n’est que ruine de l’âme

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par Stéphane Beaud, Professeur de sociologie à l’Ecole normale supérieure (Ulm), responsable de l’équipe Enquêtes, terra
publié le 8 février 2010 à 0h00

Pour commencer, un témoignage personnel. Année scolaire 1983-1984 : je débute dans l’enseignement comme «professeur stagiaire» de sciences économiques et sociales (SES) au lycée Carnot de Dijon, l’établissement prestigieux de la ville, comprenant les classes préparatoires aux grandes écoles. La filière SES, encore perçue comme roturière, n’a pas droit de cité dans ce lycée bourgeois où le député maire, Robert Poujade, a longtemps été professeur de khâgne en lettres. Bien des forces se sont liguées, avec succès, pour empêcher la création dans ce lycée d’une section B (SES de l’époque).

Professeur débutant, j'enseigne uniquement en classe de seconde, deux heures par semaine, une matière appelée initiation économique et sociale. Au fond, il s'agit de donner un avant-goût de sciences économiques et sociales : exercice particulièrement délicat dans un tel lycée où les élèves ne peuvent envisager une première B sur place. L'attention en cours est souvent flottante, l'intérêt de la matière loin d'être reconnu par des élèves à hautes aspirations scolaires. Le mot d'ordre de mon maître de stage : «bricoler», parvenir à les intéresser a mimima. A la fin de l'année, je décide de consacrer un cours au fonctionnement de l'institution judiciaire et d'emmener une classe à horaire difficile (le mardi de 16 heures à 18 heures) assister à un procès au tribunal de grande instance de la ville.

Nous préparons la sortie, je présente en cours les principaux éléments de la procédure