Menu
Libération
TRIBUNE

Avec Elisabeth Badinter, contre un nouveau naturalisme

Article réservé aux abonnés
par Catherine Malabou, Philosophe enseignante à l’université Paris-X Nanterre
publié le 8 mars 2010 à 0h00

Je défends le combat qu'Elisabeth Badinter mène contre l'imposition idéologique actuelle d'une image de la bonne mère dans les sociétés développées. Un «nouveau naturalisme» entend actuellement «culpabiliser» les femmes qui n'allaitent pas et ne se conforment pas aux nouveaux modèles bio-écolo des purées faites maison et des couches jetables. «Il s'est développé ces trente dernières années un modèle de mère idéale avec de nouvelles obligations de plus en plus lourdes pour se conformer à la nature.» Comment ne pas souscrire à un tel constat ? Il n'est pas certain toutefois que les raisons pour lesquelles je défends ce combat soient tout à fait fidèles au type de féminisme défendu depuis de longues années par l'auteure. Ma position est en effet celle d'un féminisme à la fois antiessentialiste et post-théorie des genres. Expliquer ce double point de vue me permettra aussi d'insister sur la pauvreté et le caractère injuste des critiques qui ont été adressées au livre. L'antiessentialisme est très actif au cœur des études de genre américaines. Assez étranger à un certain féminisme français fondé sur l'évidence de la différence sexuelle (et captif pour cela de la matrice normative hétérosexuelle), il refuse d'accorder à la «femme» une identité ou une essence prédéfinies à la fois par la nature (l'anatomie) et la société (le rôle de la mère par exemple ou la conception de la féminité). A cet égard, on ne peut qu'être d'accord avec Badinter lorsqu'elle désenclave la materni