Elle est écrivain, elle a 36 ans et se sent encore aujourd'hui mal vue quand elle se revendique féministe. Dans plusieurs de ses livres (Boys, boys, boys, 14 femmes pour un féminisme pragmatique, tous deux sortis chez Gallimard), Joy Sorman cherche une voie nouvelle pour un «féminisme plus démocrate et plus joyeux», qui «a mangé ses principes et cessé d'évaluer la vie des femmes sous le prisme de ses idéaux». Interview avec une fille pour qui «être sexy du cerveau» ressemble à un bon mot d'ordre.
Pourquoi proposez-vous un «féminisme pragmatique» ?
Etre féministe aujourd’hui, comme hier ou demain, cela n’a pas beaucoup changé, cela demeure la lutte pour l’égalité des droits. Cela a le même sens qu’il y trente-cinq ans. Mais je pense qu’on n’a pas exploré toutes les manières de l’être. J’appartiens à une génération héritière des combats des années 70, j’en suis consciente et reconnaissante. Je n’ai aucun rejet par rapport à ce qui a été fait ; aujourd’hui, j’ai le droit d’avorter. Il faudrait vraiment être gonflée ou antipathique de ne pas le reconnaître. Mais la génération d’avant a du mal à rendre les clés, à passer le flambeau. Comme dans un parti politique, elle semble accrochée à son rocher. Ma génération bénéficie aussi d’un héritage théorique, de Beauvoir aux «gender studies». Mais aujourd’hui, qu’est-ce qu’on fait ? On a perdu de vue le quotidien des femmes. Or cela doit être le premier objet de l’égalité des droits : savoir comment les gens vivent. Le discours des féministes, à