Dans les années 70, l’anonymat des dons de sperme s’imposa dans l’assistance médicale à la procréation (AMP). Le nom du donneur fut enfermé dans des dossiers garantis inaccessibles, ce qui permettait d’oublier le don et de faire passer le mari stérile pour le géniteur. Groupe sanguin, couleur de la peau, des yeux et des cheveux, tout fut organisé pour parfaire l’illusion. La pseudo-filiation charnelle ainsi instituée reposait sur une conception au fond très traditionaliste de la filiation. En effet, on sait qu’en cas de stérilité du mari, il était banal autrefois que les époux recourent aux services discrets d’un amant et transforment le mari en père grâce à la célèbre présomption «le père est celui que les noces désignent». Ainsi, par une étonnante ironie de l’histoire, le procédé pluriséculaire du «ni vu ni connu» prit un nouveau départ grâce aux techniques ultramodernes de l’AMP.
Quarante ans ont passé. La loi a consacré en 1994 l'anonymat du don de gamètes en l'assimilant au don de sang, sans voir qu'en AMP le don implique non deux parties mais bien trois : l'enfant fut le grand oublié de cette approche, qui se voulait pourtant éthique. Cependant, les choses ont commencé à bouger, surtout à partir du moment où on conseilla aux parents de ne pas s'enfermer dans le secret. Quand les enfants nés des premiers dons arrivèrent à l'âge adulte, nombre d'entre eux revendiquèrent l'accès à leurs origines. Depuis, de très nombreux pays démocratiques ont remis en cause leur ancien pr