Cette guerre-là ne figure dans aucun manuel. Ce fut celle de Pierrot, chien de mitrailleur, de Bella et Bertha, vaches des Scots Guards britanniques, de Néron, cheval de trait de l’artilleur Laerens, de Bel-Ami, le pigeon porteur de message, d’Oscar, le rat de tranchée. A toutes ces bestioles à poils et à plumes enrôlées dans la guerre 14-18, le musée royal de l’Armée belge consacre une exposition (1), fort justement intitulée «Chienne de guerre !» et que l’on aurait tort de considérer comme un simple bestiaire anecdotique dédié au cheval ou au chien inconnu tombé au champ d’honneur. Car la description du genre animal embrigadé dans la boucherie de la Première Guerre mondiale est le cruel miroir de la guerre des poilus, tant bêtes et humains furent unis dans les tranchées.
Pour s’en convaincre, il suffit de s’arrêter dans le hall central de l’expo qui est une immersion sonore et visuelle dans la guerre. On y voit, dans une tranchée reconstituée, un homme à demi enseveli entre pieux, barbelés, à côté d’un grand cadavre de cheval, langue pendante et sabots raidis vers le ciel. Plus loin, un chien secouriste court sur le front avec son grelot et son harnais orné de la croix rouge. Dans une autre scène, des poilus ont confectionné une guirlande de rats morts accrochés à un barbelé, tandis qu’un soldat et son cheval constituent un étrange équipage avec leurs masques à gaz. Et comme une ritournelle dans ce corridor sombre, on entend d’abord le chant des oiseaux, le roucoulement des