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TRIBUNE

Il faut préférer l’utopie «plausible» au miracle

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Débat. Y-a-t-il de la place pour de nouvelles utopies ?
publié le 18 mars 2010 à 0h00

L’utopie est indispensable en politique. Elle l’humanise en ce sens qu’elle s’affirme dans un dépassement de l’immédiateté comme projet structurant le futur. Elle est donc productrice de sens et sert de référent pour l’action politique. Mais sa valeur dépend de la manière dont elle mobilise «le monde et ceux qui le peuplent». Quand elle fonctionne comme une illusion ou un dogme, elle dépossède les hommes et collectivités de leur propre destin. «Grand soir» et «paradis lointains» s’échafaudent pour différer indéfiniment leur intervention dans ce monde. L’utopie s’assimile ainsi à une entreprise de déréalisation sans emprise sur le cours des choses et étrangère à toute notion de responsabilité.

Bien que cela puisse paraître paradoxal, la nature désincarnée et atemporelle de nombreuses utopies explique leur extinction. La suspension de l’histoire et du «monde de la vie» rend l’utopie muette pour les hommes et la fait glisser vers des modèles totalitaires de société. Globalement les utopies figées d’autrefois n’ont plus prise sur le désir de vivre par-delà les crises de ce monde. Inversement, la structure ouverte et évolutive caractéristique de l’Union européenne en a fait une utopie durable. Cette union libre d’Etats a su donner corps à la réunification et ouvrir nos horizons du Rhin à l’Oder voire même jusqu’au Bosphore. De la réconciliation inespérée à la mise en branle d’une entreprise politique inédite, l’avenir de l’utopie européenne dépendra de sa mutation post-nationale p