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TRIBUNE

Les saveurs du métissage ?

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Modérateur Jacques Terrière, directeur des Champs libres (Rennes)
par
publié le 26 mars 2010 à 0h00

OLIVIER ROELLINGER Chef 3 étoiles

Au commencement étaient les régions de France, chacune ayant sa propre cuisine, ses propres produits, ses propres habitudes alimentaires, ses rituels… Au XVIe siècle, les grands marchands-explorateurs mandatés par les princes commencent à silloner les océans : de «nouveaux» peuples apprennent l'existence des nôtres. On découvre la route des Indes orientales et occidentales, les sources du Nil, l'or jaune ou le bois d'ébène, les trafics s'organisent ou des amitiés se scellent. Et c'est ainsi que nos ports, tremplins de la découverte, deviennent les caisses de résonance de ces autres cultures.

Les cuisiniers, qui, à chaque nouvelle étape, plus curieux, plus avides de connaissances, découvrent les saveurs inédites des épices lointaines. De cet étonnement, de cette émotion nouvelle provoquée par la conscience de l’autre, naquit peu à peu une nouvelle attitude et se dessina une ouverture d’esprit vivifiante, la conscience de n’être plus seuls et de partager avec le vaste monde un trésor commun, qui éleva au fil des siècles la cuisine française au rang d’expression quasi artistique. Ce dialogue lentement prit corps en s’inscrivant sur la partition des épices, témoin de notre relation aux autres, reflet de notre vision du monde. Fade, craintif et sédentaire, c’est le monde immobile, amer et renfermé, conservateur, traditionaliste ; relevé, chaleureux et nomade, c’est le monde que l’on embrasse à bras-le-corps, dans ses pér