Le projet de loi «interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public», adopté le 19 mai en conseil des ministres, a une histoire singulière. La question du «voile intégral», que ce texte a pour objet de trancher, a fait l'objet d'une mission d'information parlementaire, d'une résolution parlementaire, qui condamne cette pratique comme contraire aux valeurs de la République, et d'un avis du Conseil d'Etat qui conclut à l'absence de fondement incontestable à une interdiction générale. Le gouvernement, comme c'est son droit, décide de passer outre cet avis. Il n'en fallait pas plus pour que s'installe l'idée selon laquelle l'interdiction générale du voile intégral dans l'espace public serait contraire à la Constitution.
Si nul ne peut prédire de manière certaine quelle sera la position du Conseil constitutionnel, très probablement saisi, au moins à l’occasion d’un litige portant sur l’application de cette loi, il existe de très solides arguments en faveur de la constitutionnalité de cette disposition.
L’exposé des motifs du projet se fonde sur une notion que le Conseil d’Etat avait évoquée, celle d’un ordre public «immatériel», par opposition à l’ordre public matériel qui recouvre essentiellement la sécurité. Cet ordre public «immatériel» ne renvoie pas à un ordre moral, mais à des valeurs qui sont inscrites, pour l’essentiel, dans la Constitution. C’est d’ailleurs à de telles valeurs que le Conseil constitutionnel s’est référé, pour justifier, notamment, l’inte