Quinze femmes et pas un homme. Elles dansent et chantent au son du tam-tam. Viviane Budaza, la directrice, encourage les mamies de la voix en poussant de vibrants youyous. Le bâtiment de Grandmothers against Poverty and Aids (Gapa, «grands-mères contre la pauvreté et le sida») fait figure de paquebot dans l’océan de maisonnettes en tôle ondulée qui s’étend sur des kilomètres entre l’autoroute et la mer. Ici, des murs en brique, un toit qui ne fuit pas, un jardinet avec des balançoires sont déjà un luxe. Khayelitsha a été fondé en 1985, sous l’apartheid, pour loger les populations noires fuyant la misère de la province voisine et rurale du Cap-Oriental. Les pauvres continuent d’affluer à raison d’un millier par semaine. Outre la discrimination et la misère, un autre fléau s’est abattu sur Khayelitsha à partir des années 90 : le sida, qui a frappé le township du Cap comme une bombe à neutrons.
«Au début, je ne comprenais pas, mon fils était tout le temps fatigué, il n'arrêtait pas de tousser et ne mangeait plus. Après un long moment, il a fini par aller faire une analyse et ils lui ont trouvé le sida, raconte Evelyne Noluthando, une grand-mère de 70 ans coiffée d'un bonnet au motif léopard. Il a perdu son travail de garde de sécurité. Je me sentais seule et impuissante, je ne savais pas quoi faire.»
Surtout, elle s'est retrouvée à la tête d'une famille nombreuse. «Mon mari est parti il y a déjà bien longtemps.» Elle a élevé seule ses cinq enfants et a