«Un portrait de moi ? Mais à quoi ça servirait ?» Marie-Odile Bertella-Geffroy est ainsi. Rien ne l’agace plus que de parler d’elle. Alors on insiste, on lui explique qu’elle a eu un rôle historique ces vingt dernières années dans l’émergence des scandales sanitaires, qu’elle a été une juge emblématique, autant crainte que critiquée. Cela dure ainsi des semaines. On la tanne. Marie-Odile Bertella-Geffroy se méfie, bougonne, fait la sourde oreille. Puis lâche : «Et ce n’est vraiment pas le moment. Ici, je ne suis pas en odeur de sainteté.»Elle n’en dit pas plus, mais on sait bien que la chancellerie se comporte grossièrement à son égard. Pour dire vite, la Place Vendôme se lasse de ces dossiers de santé publique qui durent des années, et qui peuvent à tout moment déboucher sur des mises en examen de responsables politiques ou administratifs. Alors, par le biais du parquet, mille petits obstacles s’entassent pour rendre le parcours de l’instruction impossible à boucler. Cela traîne des années. Ensuite ? Comble de l’hypocrisie, on lance à la juge :«Vos instructions durent trop longtemps.»
Dans ce contexte, que croyez-vous qu'il advienne ? Marie-Odile Bertella-Geffroy continue. Tant pis pour sa carrière. Elle a 61 ans et ne lâchera rien jusqu'à la retraite. C'est sa passion, mais aussi une certaine forme d'exigence qu'elle s'est fixée. Sa vie, c'est «faire avancer les quelques grands dossiers de santé publique» qui lui restent, comme ceux du nuage de Tchernobyl,