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TRIBUNE

Les sophismes de la corrida

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par Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
publié le 31 août 2010 à 0h00

Tout est dit dans la loi. La corrida est en France une exception à l'interdiction de pratiquer des «sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux» (art. 521 du code pénal). Elle est donc, de fait, reconnue par le législateur lui-même comme un sévice grave ou un acte de cruauté, mais qui, à la différence des autres, n'est pas puni.

Pourquoi cette impunité ? Parce qu'elle a lieu là où «une tradition locale ininterrompue peut être invoquée». Voilà donc une pratique punie à Brest, au nom de la sensibilité de l'animal, mais permise à Nîmes, malgré la sensibilité de l'animal. Cette aberration est fondée sur l'appel à la tradition, qui est un sophisme connu depuis 2 000 ans sous le nom d'argumentum ad antiquitam. L'excision est également un rite millénaire, une pratique culturelle, une tradition profondément ancrée. Pourtant, le même législateur l'interdit et fustige ce relativisme culturel, qu'il invoque au contraire quand il s'agit de protéger le «patrimoine» national, dans le cas de la corrida comme dans celui du foie gras. Ce n'est pas parce que l'on fait quelque chose depuis longtemps au même endroit qu'on a raison de le faire. Tous les progrès sociaux ont eu lieu contre les traditions, de l'abolition de l'esclavage au droit de vote des femmes. La tradition en elle-même explique mais ne justifie rien.

Les aficionados d'aujourd'hui invoquent alors leurs illustres prédécesseurs : Francis Wolff cite inlassablement Mérimée, Bataille, Picasso et d'a