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La délinquance, un problème mineur ?

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La rhétorique stigmatisant les jeunes repose sur l’oubli volontaire du contexte et de la portée politique de leurs délits.
par Ludivine Bantigny, Maître de conférences à l'université de Rouen
publié le 15 octobre 2010 à 0h00

«La délinquance des mineurs est sans doute le problème le plus grave auquel est confrontée notre société» : Eric Ciotti, le secrétaire national de l'UMP en charge des questions de sécurité, n'y est pas allé par quatre chemins. Il intervenait hier aux Assises de la prévention de la délinquance juvénile. Les thématiques qui y ont été abordées, «responsabilisation» des parents, «prévention» par la citoyenneté, actions «de proximité», traduisent l'idéologie sécuritaire ambiante. Ces accusations sont portées contre les jeunes et leurs familles sans que le fonctionnement de la société apparaisse concerné, sceptre républicain brandi pour mieux accompagner la main de la justice, renforcement du pouvoir des maires, de la police et du ministère public au détriment des magistrats compétents, les juges pour enfants. Les historiens le savent bien : la déviance, la délinquance, la loi ne sont pas des absolus qui vaudraient en soi et en dehors de toute détermination socio-historique ; elles résultent de rapports de force sociaux établissant des systèmes de normes, de valeurs et de représentations dominantes.

Ils savent aussi que la stigmatisation des mineurs déviants est une constante des sociétés modernes. L'entrée dans la «culture de masse», qui est aussi pour partie une culture du fait divers, l'a puissamment alimentée. Les caractérisations dénigrantes, de l'«apache» dans en 1900 à la «racaille» aujourd'hui, s'imposent ainsi comme des symptômes de l'obsession s