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Libe des historiens

La jeunesse, une vieille peur

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Compagnons, révolutionnaires, communards, blousons noirs : quelles que soient ses motivations, la violence juvénile inquiète depuis des siècles.
par Frédéric Chauvaud, Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Poitiers et Benoît Garnot, Professeur d’histoire moderne à l’université de Bourgogne
publié le 15 octobre 2010 à 0h00

Depuis le Moyen Age, la société prend régulièrement peur de la jeunesse. Une chanson, un cri, un haussement d’épaule façon Gavroche, un chapeau curieux… suffisent alors à la diaboliser.

Jeunes travailleurs. Qu'ils effectuent le tour de France qui leur permettait de perfectionner leurs compétences professionnelles, ou qu'ils soient sédentarisés dans les villes, les jeunes compagnons de métiers de l'Ancien Régime, souvent exubérants, volontiers bagarreurs, étaient perçus comme un danger par les gens installés. Vers 1840, lorsque la société s'industrialise, la jeunesse ouvrière suscite des alarmes anxieuses. On l'aperçoit dans le cœur des villes parmi les insurgés ; on la débusque à Lyon pendant la révolte des Canuts en 1831 et 1834 ; on la découvre, les armes à la main à Paris, pendant l'insurrection du choléra en 1832, ou encore lors des révolutions de 1848. Par la suite, les jeunes ouvriers continuent à représenter une menace constante. Lors de la Commune ou pendant la libération de Paris, les jeunes incarnent la force en action, incontrôlable.

Jeunesse studieuse. Jusqu'à la fin du XVIIe siècle, les écoliers et les étudiants étaient armés. N'hésitant pas parfois à se révolter contre leurs professeurs, ils étaient particulièrement surveillés par le guet, chargé de maintenir la tranquillité publique. Scolarisée par les lois Guizot de 1833 et celles de Jules Ferry de 1879-83, la jeunesse suscite toujours la défiance et