Effarée, la France redécouvre, avec la loi du 3 octobre 1940 annotée par Pétain, le caractère autochtone des persécutions antisémites. Non, sa participation à la Shoah ne fut pas dictée par l'Allemagne. Elle fut l'aboutissement d'une tendance française, en forte hausse dans les années 30 : le racisme ordinaire. Quand j'étais enfant, nos profs nous montraient des images de prisonniers décharnés : «Plus jamais ça !» Ça voulait dire : «Plus jamais le racisme.» Avant les camps, expliquaient-ils, il y avait eu «la privation des droits», et avant, «le mépris, les insultes»… Théorème de Sartre : «Il n'y a pas de degré dans le racisme. Traiter un homme de bougnoule, c'est déjà accepter les chambres à gaz.» Réciproque, version Niemöller : «Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n'ai rien dit, je n'étais pas Juif.» Montrer que tout racisme pouvait mener au pire (la Shoah) était la forme la plus efficace pour le combattre.
Mais cette «exemplarité» (toute relative) se faisait aux dépens de la connaissance même de la Shoah. Le film de Resnais, Nuit et Brouillard, mélangeait toutes les victimes en un… brouillard qu'entretenait la chanson de Ferrat : «…pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez». Et il oubliait complètement de dire qui vous étiez !
Enfin Claude Lanzmann vint, avec le film Shoah. D'exemplaire, la Shoah devint «singulière». Car, pour nulle autre victime que les Juifs, le crime nazi ne fut poussé si loi