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Libération
Reportage

Les flics font les comptes

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A Paris, les forces de l’ordre ont vu 67 000 manifestants.
Des étudiants manifestent le 19 octobre 2010 à Paris (AFP Etienne Laurent)
publié le 20 octobre 2010 à 0h00

Postés au premier étage d'un immeuble boulevard Auguste-Blanqui à Paris (XIIIe), deux flics, anciens des Renseignements généraux (RG), ont une vue plongeante sur la rue. Ils scrutent en silence le défilé et cliquent sur un compteur mécanique tous les dix manifestants. Jean-François a pris pour point de repère le feu tricolore. Et Christophe une ligne entre un lampadaire sur le trottoir et un arbre. «Faut pas les déconcentrer, sinon on va en rater», lance René Bailly, le patron du renseignement à la préfecture de police, qui en a sa claque de la «guerre des chiffres» : «C'est ma sixième séance sur notre système de calcul, certes artisanal mais objectif. Il n'y a que les organisateurs que cela n'intéresse pas. Le ministre les a invités, mais pas de réponse positive.»

Sur le trajet dit «de délestage» de la manif, qui part de la place d'Italie, passe par «Blanqui et Pasteur» pour finir place Vauban, le cortège s'étirait tranquillement hier : «C'est pas compliqué de compter, au rythme où ils passent. Vous avez vu ces trous ? jauge le patron, qui peste contre ses détracteurs. Comment imaginer qu'on a pu se gourer de 200 000 personnes et chanstiquer [trafiquer] les chiffres ! Mes fonctionnaires sont rodés, ont l'œil habitué à compter par 10. Je ne vois pas comment les syndicats peuvent compter par 25.» Ses deux hommes acquiescent. Une policière a braqué sur le cortège sa caméra qui filme en plan fixe, et en co