En Tunisie, certains ont encore du mal à se faire à la révolution. Prenez les directeurs d’école. Sous Ben Ali, il fallait être membre du parti au pouvoir, le RCD (le Rassemblement constitutionnel démocratique), ne jamais avoir fait grève ni s’être signalé par de quelconques critiques et, enfin, relayer les mots d’ordre officiels. Le proviseur dépendait du «délégué local», lui-même dépendant du gouverneur régional, relais du gouvernement, donc du président.
Aujourd'hui, changement total : pour être au diapason avec la population, le proviseur doit retirer les portraits de Ben Ali de son bureau, de l'administration ainsi que des couloirs - seules les salles de classe étaient épargnées. Il doit avoir l'air soulagé d'être libre après vingt-trois ans d'oppression. Certains proviseurs sont perdus. Comme le directeur du lycée 15-Octobre de Sejnane, petite ville pauvre à 120 km à l'ouest de Tunis, qui a chassé hier de son école une journaliste française non accréditée. «Vous avez une autorisation du ministère de l'Education ? Non, alors je n'ai rien à vous dire.»
Selon les enseignants, Chokri Maaloui, le proviseur de Sejnane, n'était pas un «ben-aliste» forcené. Plutôt un arriviste bon teint, qui avait joué la carte du RCD pour monter toujours plus haut. Le régime tombé, il ne sait plus comment se comporter. Il montre le courrier reçu hier de la direction régionale du ministère de l'Education : il y est écrit que les directeurs d'école doivent se «coordonner»