Soudain, Aurore laisse une phrase en suspens. Une voiture passe tout près. On l'écoute rouler lentement sur le gravier. Jon va à la fenêtre, écarte doucement le rideau, puis il fait signe que tout va bien. La militante demande où elle en est, puis elle reprend. D'une voix claire, elle dit : «Je n'ai aucune illusion, je sais où ça va se terminer et comment.» Son regard est moins déterminé. Plus triste. Un peu perdu. Les volets sont fermés sauf ceux de la porte-fenêtre, couverte par le rideau, et l'on parle dans la pénombre.
En décembre, Aurore Martin a choisi de se cacher, suite à la validationdu mandat d'arrêt européen délivré contre elle par l'Espagne pour son appartenance au parti indépendantiste basque Batasuna. En France, ce parti n'est pourtant pas interdit. En guise d'infractions, les mandats espagnols ne mentionnent que sa présence à des réunions publiques. La peine qu'elle encourt est pourtant de «douze ans d'emprisonnement» pour «participation à une organisation terroriste».
«Elle est juste là pour aujourd'hui», a glissé Jon en arrivant. Le rendez-vous a été pris de vive voix, trois semaines plus tôt, à Paris. On a attendu Jon à la terrasse d'un café à Bayonne. On l'a suivi à sa voiture. Il a mis Berri Txarrak, un groupe de métal basque, puis il a foncé sur des petites routes de l'arrière-pays. Des routes en épingle à cheveux, qui donnent l'impression de faire constamment demi-tour. «Je ne pense pas qu'ils la recherchent activem