C'était en 1793 : Jean-Baptiste Pussin, un ancien patient nommé surveillant et sa femme, Marguerite, amènent Philippe Pinel, médecin chef de Bicêtre, à retirer les entraves et les chaînes aux aliénés. Geste hautement symbolique, entré depuis dans l'histoire de la psychiatrie. En 2011, «l'Assemblée nationale vote une surveillance et un contrôle à domicile des personnes malades sous camisole chimique», a expliqué le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, lors d'une manifestation qui s'est tenue samedi devant la statue de Pinel, aux portes de l'hôpital la Pitié à Paris. «Deux siècles après, les chaînes sont de retour», ont scandé les manifestants.
«Des chaînes, pour quoi faire ?» a-t-on envie de demander quand on lit la très jolie pièce de théâtre que vient d'écrire et de jouer Jean-Christophe Dollé. Abilifaïe Leponaix (1) est un texte où quatre schizophrènes se côtoient, se parlent, s'évitent, puis se retrouvent. On est loin de la rigolade autour du fou, ou de la peur devant le délire. Les mots sont là, justes. Et on les écoute. «On dit : être fou, c'est mal. Enfin, on ne le dit pas, mais on le pense. Le dire, c'est mal, le penser c'est bien. Etre fou, c'est mal. Ah bon ? J'ai fait quelque chose de mal, moi ? Etre fou, non, c'est comme être un chien, ou être une pierre, ou être un sèche-linge», dit ainsi Antoine.
Puis Ketty : «Les crises, les hallucinations, les voix qu’on entend, tout ça, c’est simplement pour se rassurer.