Le gouvernement propose de généraliser les jurys populaires, sur le modèle de la cour d'assises. Toute démocratisation est bonne à prendre. Si c'en est une. L'énumération des délits suffit déjà à m'inquiéter : il n'y aura de citoyens assesseurs que pour les délits «qui portent atteinte quotidiennement à la sécurité et à la tranquillité de la population», tels les vols avec violence, les agressions sexuelles, mais pas les délits économiques et financiers (ils portent atteinte, et quotidiennement, mais où irions-nous si on les jugeait en naïveté ?). Encore et toujours la fibre sécuritaire, avec des mots de garde champêtre. Et avec les jeunes en ligne de mire, les 16-18 ans récidivistes qui, pour deux vols à l'étalage, ne bénéficieront plus d'une juridiction pour mineurs. Laissons les difficultés pratiques, les engagements financiers intenables sans graves dommages collatéraux, la vengeance à l'égard de l'indépendance résistante de la magistrature, et toute la tactique politique électorale dans la veine populiste. Je voudrais témoigner d'écueils plus secrets, à travers mon expérience de jurée d'assises.
Je me suis réjouie comme d'une chance d'être tirée au sort. Mais voici ce que j'ai vu. D'abord, je n'ai pas pu voir ce que je devais voir : une prison. Les impossibilités matérielles sont plus imprescriptibles que l'exercice des droits : on nous a réunis devant une vidéo aseptisée. Puis j'ai compris ce que signifie «tous les citoyens» : se font dispenser les hom