Impossible de se souvenir précisément de quoi on parlait (d'amour ? de moto ? de pieds ?) : les discussions s'enchaînaient, les questions se bousculaient. Quand Thomas a dit d'un air entendu : «Tu sens une petite symphonie en toi quand même…» Voilà. C'est pour ces phrases sans bride, ces mots qui riment même s'ils ne finissent pas pareil, que le Papotin est né, il y a vingt et un ans. Le Papotin, «journal atypique»,écrit par des personnes autistes ou souffrant de troubles envahissants du développement. «Un jour, un des papotins a inventé le mot "fierteur", raconte Driss el-Kesri, chef de service éducatif à l'hôpital de jour Santos-Dumont, à Paris, et rédacteur en chef du journal. Il avait raison : fierté, c'est un peu étriqué.»
C'est mercredi, les papotins sont au «Paradis», le nom de la salle tout en haut du cinéma le Lucernaire, à Paris, où le comité de rédaction se réunit chaque semaine. Ils ont tenu à s'installer hors les murs de l'hôpital, dans un lieu de culture pour les gens «ordinaires», le mot qui revient dans leur bouche pour désigner la société des non-autistes. C'est tout l'enjeu du journal : faire un pont entre ces jeunes adultes (les quarante papotins ont entre 15 et 45 ans) et les autres. Un livre sort, écrit par le chanteur Marc Lavoine, qui les accompagne depuis leur début, et Driss el-Kesri, en forme d'anthologie : extraits de textes, d'interviews ou de chansons tirés de la publication (1).
Le jou