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TRIBUNE

Paul Yonnet : la mort d’un sociologue en short

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par Marcel Jaeger, Professeur titulaire de la chaire de Travail social et d’intervention sociale du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam)
publié le 29 août 2011 à 0h00
(mis à jour le 29 août 2011 à 16h51)

Spécialiste comme on dit des «faits sociaux contemporains» (le sport, les loisirs, la mode, la famille…), Paul Yonnet était un sociologue exceptionnel par sa capacité à faire parler le quotidien. Ses longues analyses d'une grande finesse sur les enjeux des courses hippiques, du jogging, des matchs de foot ont permis de mieux saisir les transformations sociales au moment où l'on commence à peine à parler d'individualisme postmoderne (Jeux, modes et masses, Gallimard, 1985). Cela va, en réalité, bien au-delà de la sociologie académique, telle qu'elle peut s'enseigner à l'université. Lui n'y a jamais eu, ni cherché, sa place. Il a fait son job à l'Union nationale des associations familiales, préparant des dossiers, analysant des projets de lois ou de décrets sur la protection de l'enfance, l'autorité parentale, la famille… C'est avec ce travail qu'il a pu commencer une œuvre considérable dont seul le premier tome est paru : le Recul de la mort ; l'avènement de l'individu contemporain (Gallimard, 2005).

On gardera le souvenir de Paul Yonnet à Caen en 1968, où enseigne alors Claude Lefort, sa participation au bulletin éphémère l'Igname sanglant, dont les initiales étaient une allusion à peine voilée à l'Internationale situationniste… Le plus drôle dans son parcours est que cet anar parle d'un «système des sports» (1998) tout en étant sur un registre quasiment phénoménologique, qu'il se passionne pour des auteurs honnis de ses comparses gauchiste