Menu
Libération

Mediator : comment Servier a fait passer sa pilule

Article réservé aux abonnés
«Libération» s’est procuré deux PV d’audition accablants pour le laboratoire, qui aurait falsifié des études pour obtenir la mise sur le marché du médicament.
Dans une étude de 1969 (en haut), Jacques Duhault, chercheur chez Servier, écrit que le Mediator provoque une «anorexie presque complète» chez le rat. Un diagnostic caviardé dans la demande de mise sur le marché déposée par la firme en 1973 (en bas). (DR)
publié le 6 septembre 2011 à 0h00

L'enquête judiciaire sur le Mediator s'accélère. Au cœur de l'été, les juges d'instruction parisiens Pascal Gand, Anne-Marie Bellot et Franck Zientara ont recueilli deux témoignages accablants pour Servier, révélés par Libération.

COUSINAGE. Le premier émane de Jean Charpentier, un ancien médecin et professeur. A ce titre, il est l'homme qui a rédigé pour Servier les études destinées à obtenir l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du Mediator en 1973. Devant les juges, Charpentier a révélé le mensonge originel de Servier. Il a expliqué sur procès-verbal que son travail avait été caviardé, voire falsifié, afin que le Mediator soit reconnu comme antidiabétique. Il a aussi confirmé que son rapport a été modifié pour supprimer toute référence à l'effet coupe-faim (anorexigène) du Mediator ainsi que sa parenté chimique avec l'amphétamine.

Le ministère de la Santé s'étant à l'époque inquiété de ce cousinage, Servier risquait donc de voir l'autorisation de vente du Médiator refusée. «Cela a été fait dans le but d'avoir l'AMM. [Le dossier a été] présenté de la façon la plus favorable possible», a expliqué Jean Charpentier aux magistrats (lire page suivante).

Ce témoignage crucial vient confirmer la «désinformation» de Servier évoquée en janvier par le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). Il enrichit surtout de manière décisive l'enquête pour «tromperie» et «tromperie aggravée».