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TRIBUNE

Shoah : pourquoi refuser de penser la complexité

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Shoahdossier
par Gilles Rozier, Ecrivain, traducteur du yiddish et de l’hébreu
publié le 9 septembre 2011 à 0h00

Claude Lanzmann, auteur du film Shoah, s’est élevé, dans les colonnes du Monde du 31 août, contre un avis invitant à ne pas utiliser le mot Shoah dans les manuels scolaires. Le ministre de l’Education affirma ensuite que ce mot n’était l’objet d’aucun bannissement. Mais est-on quitte de la question pour autant ? J’ai depuis fort longtemps banni ce terme de mon vocabulaire, bien que celui-ci, comme le souligne Claude Lanzmann, se soit largement imposé en français et dans d’autres langues.

Revenons un instant sur la manière avec laquelle il s’est imposé. Comme Claude Lanzmann le rappelle, Shoah est un mot hébreu. On le trouve dans des textes des prophètes où il désigne une catastrophe. Il était peu usité dans le vocabulaire de l’hébreu moderne jusqu’à la fin des années 1940. Si on en trouve quelques occurrences dans le discours public dès 1939, comme dans un éditorial du 17 septembre du quotidien Davar où le terme est utilisé pour pressentir la catastrophe en train de s’abattre sur les Juifs de Pologne, c’est lorsque le législateur de l’Etat d’Israël nouvellement créé s’est préoccupé de commémorer le génocide des Juifs par les nazis que le mot a commencé de s’imposer. La loi instaurant une journée commémorative sous le nom de Yom hazikaron laShoah ulaGvura (Journée du souvenir de la catastrophe et de l’héroïsme) a été votée par la Knesset, le Parlement israélien, en 1959, mais la question fut discutée dès 1951, soulevant une polémique