De lui, je n’avais vu que l’infime regard laissé sur les noisettes à terre par sa larve éclipsée. Certes, le balanin du noisetier se balade où il veut, mais sur la bille abattue d’un chêne, domaine réservé de son cousin le balanin éléphant, cela trompe. Sur l’écorce, campé sur ses six pattes chaussées de souliers, seul, hébété, il fixe le ciel. Sous la loupe, ce charançon, 7 mm d’envergure à tout casser, est bâti en trois parties : corps replet muni d’ailes, cou mafflu (le corselet) d’où sort une minuscule tête littéralement mangée par deux énormes yeux ovales, entre lesquels un rostre monstre, tel un fleuret faisant mouche, s’en va à l’avant de ses pas.
L’aiguillon de ce Pinocchio des sous-bois est aussi long que le reste de son corps. Pour couronner cette mine de héros à la Disney, une paire d’antennes coudées orne, aux deux tiers de son ampleur, l’appendice remarquable dont la fonction première est de forer.
Côté rostre, la femelle balanin est mieux dotée que le mâle, et cela non pas parce que plus gourmande, mais parce qu’elle est bonne mère. Une fois courtisée, après avoir copulé un couple d’heures, elle part à la recherche d’un coudrier portant beaux fruits. Que de boulot l’attend : quarante œufs à loger au cœur d’autant de noisettes. Son rostre, muni de deux drains pour y ranger une partie de ses antennes, fore ce garde-manger jusqu’au plus tendre. Le trou jugé idéal, elle se tourne et pose l’abdomen dessus. Tout se fait alors dans le secret du fruit et de ce ventre d’o