Ses traits sont tendus, ses mains soustraites, son regard naturellement incertain. Entourée de ses parents, la jeune femme apparaît obéissante, un rien résignée. Seuls les klaxons des grands boulevards tourangeaux l'agacent. Trop stridents pour des oreilles en perpétuel éveil. D'une vision embryonnaire, il ne reste à Claire Guillot qu'un lointain souvenir. Depuis fin 2007, elle est totalement aveugle. En raison d'une maladie orpheline de type cancéreux, le rétinoblastome bilatéral de stade majeur, qui a été décelé en 1991. Elle n'a alors pas 1 an. Aujourd'hui, plus aucun faisceau ne franchit sa frontière rétinienne. Tout juste reste-t-il la sensation d'une «légère différence entre le jour et la nuit». Contre toute attente, Claire Guillot, discrète et bûcheuse, vient de réussir son entrée à l'école Normale Sup, cercle de connaissances fermé qu'elle est l'une des rares non-voyantes à percer.
Lorsque Claire Guillot intègre la classe de prépa littéraire du lycée Pothier d'Orléans (Loiret), en septembre 2008, ses camarades de jeu se montrent grinçants. «Les élèves jugeaient sévèrement son handicap, estime Georges Barrère, son professeur de lettres classiques. Ils lui reprochaient de faire trop de bruit avec sa machine de saisie.» Côté internat, l'accueil est tout aussi peu chaleureux. Ses professeurs imputent ce manque d'hospitalité à une règle républicaine. «Nous avons découvert son handicap le jour de la rentrée. C'est un principe égalitaire, afin