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Libération

La vie terne du ver luisant

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publié le 1er octobre 2011 à 0h00

Comme chaque jour, le chat, Shams, m’invite à nous promener. Il aime remonter la sente que nous avons inscrite sous le couvert d’un taillis qui s’était mis à pousser sur une voie ferrée. Jadis, ces rails permettaient l’approvisionnement de la marbrerie. A la serpe, un tunnel se fit, que les merles dorénavant utilisent en excès de vitesse. Shams, ici roi du Congo en son domaine de la presqu’île de la rivière Automne, fait des pitreries en haut des chênes, agace la foulque dont le nid trône dans le fossé humide censé recevoir les crues de l’Oise.

Rouges-gorges, mésanges, pinsons, troglodytes et autres zigs ailés nous accompagnent, offusqués. Au sol, des coquilles vides d’escargots de Bourgogne. Parfois, un fond visqueux de ce qu’ils furent miroite dans une lueur de fin de vie. Souvent, un drôle d’insecte au corps segmenté noir et beige, aux flancs rose vineux, est dans le cercle proche de la coquille, quand il n’est pas carrément dessus.

J'enquête et découvre qu'il s'agit de la femelle du ver luisant, cette poétique bête qui, les nuits d'été, allume le phare phosphorescent de son extrémité pour attirer les mâles. Ses feux les plus lumineux se trouvent sous l'abdomen et sont, comme chacun sait, verts, deuxième invitation claire pour l'amoureux hésitant. Il lui faut donc se tordre ou se cambrer pour soulever - et montrer au ciel nocturne où volettent les garçons - son ventre enguirlandé comme un sapin de Noël. Contrairement à ces derniers, la femelle n'a pas d'ailes pour voler et