Il lève encore la main. Il veut parler. Sur les bancs, derrière lui, ça s'agite. Sa compagne, ses amis, sermonnent : «Chut !» Ses avocats font les gros yeux. La présidente de la cour d'assises de Paris soupire. Mais la main reste en l'air. Toute la matinée s'il le faut. Et la tête blanche, dressée, tendue par l'attention, ne bouge pas.
André Bamberski, 74 ans, s’est battu vingt-neuf ans, plus du tiers, presque la moitié de sa vie, pour ce moment. Il a réussi, sacrifiant toutes ses forces, ses loisirs, son travail, son argent, à faire juger un homme que les autorités allemandes et françaises s’évertuaient à protéger. Dans les annales de la justice, il n’y a pas d’autre cas. Les gens renoncent avant. Ou meurent. Ou tuent.
André Bamberski, lui, a épuisé un à un tous les moyens de droit. Puis, à bout de recours, a fait enlever et déposer devant le tribunal de Mulhouse Dieter Krombach, 76 ans. L’enlèvement du médecin allemand commandité par son vieil ennemi français a fait la une des journaux. Et a déclenché, enfin, la justice : depuis trois semaines, Krombach comparaît devant la cour d’assises de Paris. Accusé du meurtre de Kalinka, la fille d’André Bamberski.
Kalinka avait 14 ans, une peau blanche «de polonaise», des cheveux blonds brillants. Le 9 juillet 1982, elle revenait d'une journée de planche à voile, elle était «en pleine forme». Le lendemain matin, elle était morte. Des traces de piqûres sur le corps, une déchirure et des «substances blanchâ