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Libération
TRIBUNE

Une immolation dans l’indifférence

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par Julien Serignac, Professeur agrégé de mathématiques
publié le 20 octobre 2011 à 0h00

Le 17 décembre 2010, un vendeur ambulant de 26 ans, Mohamed Bouazizi, s’immole à Sidi Bouzid. Il décède le 4 janvier 2011 : c’est le début des révolutions arabes. Jeudi 13 octobre 2011, une professeur de mathématiques de 44 ans, Lise B., s’immole devant ses élèves du lycée Jean-Moulin de Béziers. Elle décède le lendemain : à peine un hommage, et puis plus rien.

Qu’y a-t-il de commun, au-delà de leur forme, entre ces deux gestes inconcevables ? Le désespoir d’abord, et puis l’indifférence. Le désespoir d’individus isolés, perdus, impuissants. L’indifférence du pouvoir et des contre-pouvoirs, celle de la sphère publique et celle de la sphère civile. On n’imagine pas le sentiment de fragilité auquel il faut être parvenu pour en arriver là et puiser en soi les quelques forces qui permettent d’affronter le tragique avec tant de courage.

Le 15 octobre, le mouvement des Indignés a pris pour la première fois une dimension planétaire. En France, la mobilisation est cependant restée limitée : il y a quelque chose de frappant à constater cette apathie au pays des droits de l’homme, là où est paru le manifeste de Stéphane Hessel dont s’inspirent aujourd’hui les contestataires aux quatre coins du monde. Ne sommes-nous donc que le pays du verbe, incapable d’y adosser le moindre geste ?

Qu’on s’immole en France en raison de l’indifférence généralisée, c’est déjà intolérable ; mais qu’on s’immole en France dans l’indifférence la plus totale, cela devient proprement inacceptable. Et que ce gest