Mohammed Cheick est embêté. C'est sa banquière au bout du fil. Et non, sa demande concernant un allégement des pénalités en cas de découvert ne sera pas satisfaite. Il ne s'en formalise pas - «Merci quand même, au revoir» -, mais il fait la moue une fois le portable remis dans la poche de sa veste bon marché. Les temps sont durs pour cet employé au service des fêtes et des cérémonies de la ville de Dugny, en Seine-Saint-Denis. En période de rentrée scolaire, son seul salaire peut sembler dérisoire quand on a comme lui six enfants. Dans cette commune tranquille de la banlieue parisienne où il s'est installé en 1997, huit ans après son arrivée en France «pour trouver du travail», Mohammed est connu de tous. Dans la rue, on l'apostrophe avec le sourire, on se moque de ses sandales, on lui demande de créditer un téléphone… Mais il le sait : sa popularité, il la doit autant à sa fonction et à sa bonhomie qu'au drame qu'il a vécu il y a deux ans et demi.
C’était le 29 juin 2009. Le matin, il avait laissé sa femme à l’aéroport de Roissy. Le temps des vacances, comme beaucoup de Comoriens vivant en France et de Français d’origine comorienne, Soilifatou retournait au pays : l’archipel des Comores, une ancienne colonie française située entre le Mozambique et Madagascar dans l’océan Indien, indépendante depuis 1975. Ces vacanciers un peu particuliers, on les appelle là-bas les «Je viens». Sur place, bien souvent, ils jouent à l’exilé qui feint d’avoir réussi. Vêtements