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Libération

Revêche, le pic épeiche

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publié le 17 décembre 2011 à 0h00

Soudain, un bruit vous glace. J’ai appris à le reconnaître. Ma datcha, une grange à l’origine, toute bardée de bois aggloméré teint de brun, comporte neuf ouvertures, un mélange de hautes fenêtres, de portes vitrées et de deux grandes baies ouvrant les frontons. La lumière s’y joue du matin jusqu’au soir, mais ces embrasures trompent la vue des oiseaux. J’ai beau ne pas les nettoyer, y suspendre guirlandes dorées, colliers de perles et branchages, il s’en trouve toujours un qui s’y cogne le bec. Là, une merveille d’oiseau gît à terre, sonné, les ailes à moitié ouvertes, offrant une sorte de masque africain, blanc et noir, et portant sur la nuque un bandeau rouge vermillon du plus bel effet.

L’estourbi a les yeux clos ; les battements de son cœur le lamento d’un souffle trépassant. Vite, délicatement, je le porte au chaud à l’intérieur, le déposant sur un matelas de coton hydrophile. Après un quart d’heure, il entrouvre un œil puis l’autre, avec le détachement résigné des âmes lasses.

Le pic épeiche est un oiseau gros comme le merle, aux mœurs taciturnes, connu pour sa discrétion, son enclin à ne déranger personne dans le clair-obscur des forêts. Il n’est pas du genre à chanter et, le printemps venu, lorsque l’idée de fonder famille le tenaille, il tambourine du bec son désir d’une femelle en livrée noire et blanche, démunie donc de cette tâche de sang occipitale, flamme discernable des mâles.

Les cavités qu’il pratique dans le tronc des arbres pour y nicher sa descendance font