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Libération
TRIBUNE

Nous sommes tous des malades bien-portants

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par Yves Charpak, Médecin de santé publique
publié le 20 janvier 2012 à 0h00

Posez cette question, autour d’une table, à des amis et à des proches de tous âges : qui prend des médicaments tous les jours, qui voit un médecin ou va à l’hôpital régulièrement, combien de «maladies chroniques», le plus souvent bien contrôlées et pas trop «handicapantes» ? Combien de «gênes» et de problèmes dus à des accidents, à des suites chirurgicales ? Bref, combien d’entre nous sont malades, mais «pris en charge», traités au long cours et donc suffisamment bien-portants pour mener la vie de tous les jours ?

Sujet de polémique avec les «comptables» de la santé : une population «en bonne santé» devrait consommer peu de produits et services de santé, il y a sûrement des abus et des dépenses inutiles. En réalité, il faut des produits et des services de santé, de qualité, sûrs et bien évalués, pour vivre longtemps en bonne santé, même si le rêve est de n’en avoir aucun besoin. Dans le passé, quand on était malade, on pouvait soit guérir, soit mourir, soit être handicapé et incapable de rien faire. Aujourd’hui, on peut encore mourir d’un épisode aigu de maladie, mais c’est rare avant un âge etou un stade de maladie avancé. On peut parfois guérir complètement, mais c’est en fin de compte assez rare, sauf pour certaines maladies infectieuses. Le plus souvent, on reste un «malade chronique», compensé, suivi, appareillé, piloté par le système de soins, pour éviter les rechutes, les complications, les conséquences et on vit de plus en plus longtemps, (presque) normalement, dans c