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Libération
portrait

Homme de tête

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Laurent Lantieri. Tranchant, passionné, le chirurgien starisé par la greffe du visage se double d’un compétiteur que le défi motive.
publié le 20 février 2012 à 0h00

«La semaine prochaine, on va opérer deux gars qui se sont fait bouffer par des bonobos ! Je vais les réparer avec leurs propres tissus, ça va être une belle chirurgie reconstructrice… Quand j'ai reçu un mail qui parlait de pisteurs attaqués au visage par des singes au Congo, j'ai cru à un canular, mais non, ce sont des employés de l'association de protection des animaux de Claudine André. Ils sont arrivés la semaine dernière, de vrais Crocodile Dundee, et charmants, souriants - enfin, si on peut dire…» L'espace de cinq minutes, ses yeux majoritairement mi-clos se sont ouverts, et l'excitation a remplacé dans son regard la distance ou l'ironie. L'espace de cinq minutes, le professeur Laurent Lantieri (qui ressemble à Canteloup dans le genre grand serin chauve), a eu des airs de jeune lion plutôt que de roi de la jungle. Majesté qui assume laconiquement cinquante minutes de retard : «J'aimerais que les journées aient plus de vingt-quatre heures.» Comparé au sien, l'agenda de son interlocuteur est peanuts, forcément peanuts.

Il s'avère en tout cas loquace, précis, pédagogue. Et sans doute a-t-il les moyens de son immodestie. Lantieri est la star de la greffe de visage. Il en compte sept à son actif. Surtout, il a réussi, en juin 2010, la première greffe totale : paupières et système lacrymal compris. Un truc de fou et un tabou, qu'on n'avait vu qu'au cinéma, des Yeux sans visage (Franju) en Volte-face (Woo). Lui rela