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Libération

Un chouette époux

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publié le 25 février 2012 à 0h00

Quelle sérénade autour de mon logis boisé, lorsque l’hiver venu, les chouettes hulottes lancent leurs missives amoureuses, pleines de sous-entendus tapies parmi les branches profuses. Un soir, à les écouter sous l’auvent, elles étaient quatre ou cinq à se répondre, dans un carré de cent mètres de distance, des mots doux, tremblés, tout en ponctuations chevrotantes et poignantes espérances. L’une d’elles se tint même sur le faîtage de la toiture, juste au-dessus de mon lit, ses plumes ébouriffées par les voiles bleues de la cheminée qui expirait ses feux.

Leurs vocalises incitent à les appeler chat-huant. Avec la chouette effraie, cette dame blanche portant masque spectral, la hulotte est l’unique rapace nocturne à posséder des yeux noirs, impénétrables, où la lune même se noie en d’imperceptibles éclats semblables aux ultimes flammèches s’évaporant de braises soupirantes. Cela lui donne une mine triste, orpheline.

J’ai passé des crépuscules glacés à tenter de les photographier parmi les troncs nus de la presqu’île, mais la lourdeur et l’indécence du paparazzi animalier font qu’elles me repèrent dès mon premier battement de cils. Une fois pourtant, l’une d’elles nichait et chassait dans le chalet délabré qui se trouve entre les deux bras de la rivière Automne, sur lesquels le reflet de la Lune luit et tremble en zébrures mortifères. Dès qu’elle me vit, elle déploya ses ailes (son envergure était au moins de 80 centimètres) pour aller se cogner aux fenêtres dans un bruit assourd