Dans son viseur, il a vu «des sourcils noirs, un regard noir», et il a fait feu sur la «cible» désignée par son officier. Un lycéen de 16 ans tombe, touché à la tête. Pierre Douillard perd la vue de son œil droit. Irrémédiablement. Quatre ans et demi après, Mathieu Léglise, gardien de la paix de la compagnie départementale d'intervention de Loire-Atlantique, vient de comparaître deux jours en correctionnelle, accusé de violence aggravée avec arme et par personne dépositaire de l'autorité publique. Il risque sept ans de prison.
Il s’agit du premier procès d’usage du LBD, «lanceur de balle de défense 40 mm», réputé plus précis que le simple flash-ball, mais en phase d’expérimentation à l’époque des faits. Une après-midi de formation théorique et d’essais avait suffi à habiliter le policier de 25 ans. Il le concède, les notions juridiques et les critères de légitime défense avaient été survolés.
Le 27 novembre 2007, quelques centaines d'étudiants nantais manifestent contre la loi Pécresse et pénètrent le parc du rectorat dans une ambiance joyeuse. Policiers et gendarmes les repoussent, referment les grilles, à travers lesquelles Mathieu Léglise tire contre le jeune homme qui s'écroule. «La crainte qu'un fonctionnaire soit blessé ou qu'un ricochet m'atteigne» fonde sa vision de légitime défense. «L'individu ramassait une pierre. Quand il a armé son bras, j'ai appuyé. J'étais face à une menace, j'ai agi et cette menace s'est éteinte.» Le policier