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grand angle

Disparus sous le secret

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En 2002, Hélène Cohen découvre que son père, en 1962, a perdu six proches enlevés à Oran. De son enquête, elle a tiré un film intime sur une famille juive dans la guerre d’indépendance.
Sur la plage de Beni Saf, en 1962, Mimoun Cohen, sa fille aînée Colette et ses enfants, sa femme Yvonne, sa fille cadette Régine. (Photo DR)
publié le 16 mars 2012 à 0h00

Cheveux courts, sourire juvénile, Hélène Cohen nous reçoit par un après-midi gris d'hiver parisien, à des années-lumière de l'Oranais où elle est née, en 1961, et à 800 kilomètres du cimetière de Perpignan où elle est entrée, brutalement, dans l'histoire. La sienne, celle de sa famille, celle de la guerre d'Algérie et de ses non-dits, de ses mal-dits, de ses tabous, de ses secrets «qui tuent», dit-elle posément.

Une assiette de croquants aux amandes et un café servis sur la nappe fleurie, elle raconte. C'était il y a dix ans, en juin 2002, lors de l'enterrement de son père, Joseph Cohen, que tout le monde appelait Jojy, mort d'un cancer à 66 ans. Il y a là, à sa grande surprise, beaucoup de visages inconnus : toute une famille paternelle qu'elle n'a jamais vue. Des tantes, des cousins et aussi des amis de son père. Tous évoquent un homme gai, insouciant. «Mon père était secret, silencieux, dit Hélène. C'était comme si ces gens parlaient de quelqu'un d'autre, c'était incompréhensible.»

Incompréhensible, comme l'épitaphe gravée dans le marbre gris, à la droite du nom du défunt : «A la mémoire de Mimoun Cohen, son père, Yvonne Cohen, sa mère, Colette Sicsic, sa sœur, Jean-Jacques Sicsic, son beau-frère, disparus en juin 1962 en Algérie.» Choc. «J'ignorais que mon père avait une sœur nommée Colette, nous dit Hélène. Quant à mes grands-parents paternels, on n'en parlait pas. Pour moi, ils étaient morts de vieillesse en Algérie. J'apprends qu'