Début 2012, l'institution judiciaire est encore sous le choc de l'arrêt Moulin, rendu par la Cour européenne des droits de l'homme qui a dénié aux procureurs français leur qualité de magistrats, car trop dépendants de l'exécutif et dénués d'impartialité. Un monde s'est effondré avec le dogme hérité de 1958 qui voulait qu'en France, puisqu'il n'y a qu'une magistrature, les procureurs soient, comme les juges, garants de la liberté individuelle. Face au refus européen d'admettre ce postulat surréaliste, les autorités françaises ont réagi a minima, se bornant à toiletter quelques textes devenus incompatibles avec la nouvelle donne. Parallèlement, pour préserver l'unité de la magistrature, le déni l'a disputé à la revendication d'indépendance des parquets, vieux fantasme d'identification des procureurs aux juges.
Mais la justice peut-elle être une institution hors-sol ? L’action des procureurs qui ont l’opportunité des poursuites, à la différence de celle des juges soumis à l’application de la loi, suppose des choix politiques. Sans légitimité démocratique, leur justice deviendrait une justice de justiciers.
Hiérarchisés, les procureurs demeurent tenus d’appliquer une politique criminelle décidée par d’autres. Encore faudrait-il que ces directives générales de politique pénale existent. Jamais les rapports annuels établis par les parquets à la chancellerie ne donnent lieu à une communication publique du gouvernement. Au lieu de cela, le président de la République s’en pren