Ils ont l’affairement méticuleux des philatélistes. On les imagine reclus dans leurs collections de timbres, légèrement à l’écart du monde. Yvon Romero et Guy Marchot appartiennent au vénérable cercle philatélique du pays d’Aix-en-Provence. Début 2011, dans une vente aux enchères, ils sont tombés sur un petit lot de lettres qui a bouleversé leur retraite, réorienté leur passion. Elles avaient été postées ou reçues aux Milles, à côté d’Aix-en-Provence, pendant la Seconde Guerre mondiale. Comme nombre de Français, ils ignoraient qu’une fabrique de tuiles y avait été transformée en camp pour interner plus de 10 000 personnes entre 1939 et 1942. D’abord des Allemands qui avaient fui leur pays mais dont la France se méfiait, en raison de leur nationalité . Puis, après la capitulation, des opposants au régime nazi que Berlin réclamait. Et enfin des Juifs, dont 2 000 à 2 500 ont été envoyés à Auschwitz, via Drancy, en août et septembre 1942.
Passionnés d'histoire, les vieux messieurs ont alors acheté dans les ventes aux enchères tout ce qui concernait les Milles. Des lettres, des enveloppes, des cartes postales. «Nous nous sommes retrouvés plongés dans cette histoire, raconte Guy Marchot. Nous avons récupéré 80 lettres ou cartes postales et nous avons été pris dedans. Chacune ou presque cachait une histoire bouleversante.» Lettre d'une femme venue la veille de Marseille dans l'espoir de voir son amant par-delà les barbelés. Courriers d'amis qui tentent, dans l'urge