Elle dit s'appeler Joy. Comme des centaines d'autres prostituées, cette femme de 39 ans a quitté le Nigeria pour arpenter, de nuit, les venelles lugubres proches du boulevard Ney (Paris XVIIIe). Des saisons durant, elle y a enchaîné les passes bon marché pour le compte de «monsieur Kassim». Un homme «d'une quarantaine d'années», «ni bon ni méchant», dont elle n'avait «aucune raison apparente de pourrir la vie», raconte-t-elle en anglais.
Pourtant, en novembre 2010, elle l'a balancé. Une nuit, vers 2 heures du matin, dans un des lupanars qu'elle partage alors avec trois autres «filles qui faisaient la pute» - elle insiste pour ne pas dire seulement pute «car il y a une vraie femme derrière ce travail» -, les flics, tous en civil, débarquent brutalement. Ils leur passent les menottes. Elle les affuble de tous les noms. Crache sur un petit brun qui l'appelle «la suceuse», un des rares mots de français qu'elle a identifiés en plus de cinq ans à Paris. Et coopère. Au «comico», elle est longuement interrogée. On lui assure que si elle vend son mac, elle aura une protection, un appartement et de l'argent. Ce n'est pas un chantage de flic, mais une loi de Nicolas Sarkozy de 2003 (lire page 4). Elle ne le sait pas. Trouve ça gros et ne se laisse pas embobiner. Crache encore parce qu'on persiste à l'appeler «la suceuse». Enfin, elle réfléchit.
Elle finit par se rappeler qu’en arrivant en France,