Connu pour ses travaux de philosophie morale, Ruwen Ogien réagit pour Libération au débat sur la morale laïque initié par Vincent Peillon, ministre de l'Education nationale, dans le Journal du dimanche.
Qu’est ce que la morale ? La définition que Vincent Peillon livre de la morale laïque est-elle satisfaisante au plan philosophique ?
Dans son entretien au JDD, le ministre de l'Education nationale, Vincent Peillon, envisage l'enseignement de la morale laïque de la façon suivante. Il concernerait la «connaissance des règles de la société, du droit, du fonctionnement de la démocratie, mais aussi toutes les questions que l'on se pose sur le sens de l'existence humaine, sur le rapport à soi, aux autres, à ce qui fait une vie heureuse ou une vie bonne». Il précise un peu plus loin que la République doit dire «sa vision de ce que sont les vertus et les vices, le bien et le mal, le juste et l'injuste».
Tous ceux qui s’intéressent à la question savent que ce projet n’est pas vraiment nouveau et n’a rien de particulièrement progressiste. Depuis un siècle, en effet, tous les ministres de l’Education nationale, de droite comme de gauche, ont eu le projet pompeux de faire revenir la morale à l’école, sauf pendant une courte période qui a suivi Mai 68. Mais tous ont échoué pour des raisons qui n’ont rien d’accidentelles. C’est un projet autoritaire, complètement inadapté dans sa forme à l’évolution de nos sociétés, et confus du point de vue du contenu philosophique.
La lecture faite par Vincent Peillon du concept de morale n’est-t-elle pas réductrice ?
Puisque le ministre de l’Education nationale est aussi philosophe professionnel, parlons de ce contenu. Dans ses