C'est curieux que quelque chose d'aussi beau que la «morale», qui a tout pour plaire, puisse avoir une si mauvaise presse - au point qu'aujourd'hui, la jugeant plus technique et moins «chargée», on préfère parler d'éthique. Il messied de «faire la morale», il est inconvenant d'être un «moraliste», et insupportable de donner des leçons de morale, dont Rimbaud disait qu'elle était «la faiblesse de la cervelle». Ce qu'on lui reproche, en général, c'est d'être «édifiante», de vouloir, par l'exemple, conduire à la vertu, d'obliger, par quelques coups de trique, à respecter telles valeurs (et évidemment déprécier celles de l'«autre camp»).
Mais la morale n’est pas le moralisme, qui s’attache comme un lierre au mur grillagé de ses convictions, envahit et étouffe toutes les autres ou les contraint à «se convertir». Elle est simple et nue, la morale, et ne tient qu’à un fil. C’est pourquoi elle ne supporte aucun drapage, aucun enrobage, de la même manière que l’amour, à quoi elle pourrait se réduire, ne tolère aucun adverbe, aucun complément circonstanciel (aimer n’est point «aimer beaucoup» ni «aimer à certains égards» ou «pour un temps seulement»). Il n’y a pas de morale qui soit laïque, religieuse, républicaine, marxiste ou libérale… Il est des valeurs (la charité, la justice, la liberté…) qu’on peut promouvoir et se promettre de défendre, si l’on est un homme de foi ou un athée, si l’on est de droite ou de gauche, si l’on estime la démocratie supérieure à l’aristocratie o