C’était l’autre semaine à la cafèt. Après la pichenette d’augmentation du Smic, le pays, pour bien se convaincre qu’il avait élu un gouvernement de gauche, supputait avec une ardeur sans pareil le nombre de centimes d’euro (un, deux, trois ?) que celui-ci parviendrait à faire cracher aux compagnies pétrolières, afin que soit honorée certaine promesse électorale de blocage, sinon de réduction, du prix des carburants. Cependant qu’en en grillant une, nous - je veux dire le citoyen Jean-Pierre, camarade dans la vie de bureau, et moi-même - évoquions notre appétence pour le tabac et l’augmentation imminente de ses tarifs - 5% ou 6%, soit tout de même une grosse trentaine de centimes par paquet de clopes (1).
Nous ne l'évaluions pas sur un mode mesquinement comptable - nous savons la cherté de nos vices. Nous ne glosions pas non plus à propos de ce fumeux projet de faire pièce à la promotion des marques en les emballant toutes dans un carton le plus neutre et le plus terne possible ; ni de cette vacuité du «Fumer tue», car nous avions depuis longtemps là-dessus épuisé tous nos stocks de blagues. Anticipant certain débat de cornecul sur l'enseignement de la morale (2), nous considérions plus gravement la façon dont «la crise» (terme générique), que d'aucuns font mine de découvrir «d'une gravité exceptionnelle», modifia en profondeur nos comportements les plus banals, les plus quotidiens, et jusque dans les pratiques de notre conviviale tabagie. Jean-Pierre et moi avons ce